DÉFENDRE LA BIODIVERSITÉ ET LES SAVOIRS TRADITIONNELS À TICOYA
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Nous accompagnons l'association Aticoya, association autochtone regroupant différentes initiatives des 22 communautés du resguardo (territoire autochtone) Ticoya, dans la réalisation d'un ambitieux projet pluriannuel, qui vise à protéger l'environnement du resguardo Ticoya, à étendre ses limites actuelles afin qu'elles correspondent au schéma d'occupation ancestral, et à organiser un système de collecte et de transmission des savoirs autochtones, afin d'assurer une gestion durable et autonome des milieux, basée sur des connaissances et une approche traditionnelles.
Depuis 2019, nous avons obtenu plusieurs financements pour mener à bien les différents volets de ce projet, qui incluent géoréférencement et inventaires de la biodiversité et des usages des terres par les humains comme par les non-humains, collecte de données relevant de la mémoire collective (notamment des personnes les plus âgées), ateliers de cartographie et constitution d'un dossier de demande d'extension des limites du territoire.
CONTEXTE
Le resguardo Ticoya est situé dans le département d’Amazonas, au sud de la Colombie, dans la zone dite « Triple frontière », à seulement quelques kilomètres en bateau du Pérou et du Brésil. « Ticoya » signifie « Ticuna, Cocama et Yagua », du nom des trois ethnies qui composent majoritairement et historiquement ce territoire autochtone. Environ 5800 habitants vivent sur ce territoire.
Créé en 1990, le resguardo Ticoya est composé à environ 95 % de populations autochtones. Il s'agit de la principale destination touristique de l'Amazonie colombienne.
Or, la nouvelle manne amenée par le tourisme ne nourrit qu’une poignée d’investisseurs étrangers ayant ouvert des structures d’hébergement. Les 5 % de non-Amérindiens qui vivent dans le resguardo sont pratiquement les seuls à profiter des retombées économiques de cette activité, détenant non seulement tous les commerces et restaurants, mais également tous les postes administratifs clés.
Bien que nettement majoritaires, les populations autochtones n’ont donc absolument pas voix au chapitre ; leurs conditions de vie ne se sont pas améliorées avec l’ouverture de la zone au tourisme, bien au contraire.
Parmi les menaces pesant sur le territoire, notons également que le village de Puerto Nariño, situé en bordure du resguardo, a été certifié en 2012 première destination « tourisme durable » de Colombie. Une certification qui, comme tant d’autres, se révélera être davantage du greenwashing qu’un véritable modèle. Elle a entraîné l’arrivée d’un tourisme de masse, aux conséquences particulièrement nuisibles.
En effet, l’essor des activités touristiques occasionne des dégâts considérables sur l’environnement du resguardo, qui subit déforestation illégale, raréfaction du gibier et des ressources de la pêche (dont dépendent souvent entièrement les communautés autochtones) et pollution fluviale, due au trafic intense de bateaux à grande vitesse, qui amènent annuellement jusqu’à 42 000 touristes dans la zone. Il est par ailleurs à noter que le resguardo inclut le premier site de Colombie inscrit sur la Liste Ramsar des zones humides d’importance internationale du fait de l’incroyable biodiversité qu’il renferme. Mais cette reconnaissance n’a pour le moment pas entraîné d’amélioration en matière de protection des ressources naturelles.
Par ailleurs, face à l’intensification du braconnage, le gouvernement colombien a imposé des quotas afin de limiter la chasse intensive, destinée au commerce de masse. Mais ces réglementations se retournent davantage contre les habitants du resguardo que contre les braconniers. Ainsi, régulièrement, des représentants du gouvernement, officiellement garants de la bonne gestion des ressources de chasse, perquisitionnent les habitations autochtones et saisissent la viande qu’ils estiment excédentaire par rapport aux quotas en vigueur. Or, ces chasseurs ont simplement dû pallier la raréfaction du gibier des mois précédents, qui les contraint à tuer davantage d’animaux et à saler la viande pour la conserver afin de prévenir les prochaines périodes de disette.
Leur savoir ancestral en matière de gestion des ressources naturelles est donc nié par les autorités, notamment du fait du peu de visibilité dont disposent les communautés.
BÉNÉFICIAIRES
L’association ATICOYA, bénéficiaire du projet, a été créée pour défendre les droits et les intérêts des trois ethnies autochtones du resguardo. Elle lutte notamment pour les droits territoriaux des communautés qu’elle représente, ainsi que pour la préservation de leur environnement naturel. Elle promeut un modèle de gestion des ressources respectueux de leurs coutumes et savoir-faire traditionnels. Elle défend l’idée, aujourd’hui largement acceptée dans le monde, que les peuples autochtones sont les plus à même de protéger l’environnement, de contribuer à la perpétuation de la biodiversité et de proposer une gestion du monde durable, respectueuse de toutes les espèces animales et végétales qui composent leur milieu.
Elle avait précédemment soumis au gouvernement colombien et à diverses ONG, sans succès, un projet dont la finalité serait une autonomisation des populations dans la gestion du territoire, une gestion qui se baserait sur les savoirs ancestraux dont elles sont les héritières. En effet, pour pouvoir mettre en œuvre leurs propres initiatives environnementales, sanitaires et sociales, les communautés du resguardo avaient besoin d'un soutien financier pour développer des projets concrets en ce sens.
OBJECTIFS DU PROJET
Ce projet a pour ambition de faciliter l’autonomie des communautés autochtones du resguardo dans l’élaboration, la mise en œuvre et la gestion d’initiatives locales, dans les domaines suivants :
Les populations autochtones du resguardo souhaitent avoir la possibilité de diriger les initiatives relatives à leur cadre de vie et développer des projets inclusifs. Leur proposition s’appuie sur une méthodologie participative et basée sur les savoirs traditionnels, plus à même d’assurer la pérennisation des projets que des méthodes et processus importés de l’extérieur. Par ailleurs, les communautés représentées par l’association ATICOYA souhaitent que leurs besoins ethno-spécifiques soient véritablement pris en compte et que les initiatives soient adaptées à leur mode de vie, leurs coutumes, leurs croyances et leur manière d’appréhender l’environnement.
Il importe également de noter que les limites actuelles du resguardo ne correspondent pas aux terres ancestrales, d’une part, et n’englobent pas un certain nombre de communautés autochtones vivant dans la zone, d’autre part. Ces dernières, au nombre de cinq, sont considérées comme des bourgades de la municipalité de Puerto Nariño (qui jouxte le resguardo), et ne bénéficient donc pas du statut d’entité territoriale autochtone, ce qui les place dans une situation plus précaire encore que d’autres communautés en matière de santé, d’éducation, de défense de l'environnement, etc. Elles sont d’autant plus démunies face aux menaces caractéristiques de cette partie du monde que sont la déforestation (légale ou illégale), le braconnage, l’orpaillage, l’accaparement de terres...
Le projet de l'association ATICOYA vise donc également à revendiquer une extension des limites géographiques du resguardo, correspondant davantage aux usages coutumiers de la terre. Cette extension permettrait non seulement de mieux protéger la biodiversité du territoire, mais également les populations humaines, qui doivent sans cesse lutter contre l'accaparement de leurs terres.
SYNTHÈSE DES RÉSULTATS VISÉS