DÉFENDRE LES DROITS DE L'HOMME ET L'ENVIRONNEMENT DANS LE CAQUETÁ
><><>< NOTRE ACTION ><><><
Suite à une enquête dans des territoires de l'ethnie Murui, situés dans l'une des « zones rouges » de l'Amazonie colombienne, aux mains de branches dissidentes des FARC (Forces Armées Révolutionnaires de Colombie), de narcotrafiquants et d'orpailleurs illégaux, nous avons constaté et documenté l'étendue des ravages provoqués par le métal lourd qu'est le mercure, utilisé par les chercheurs d'or dans l'ensemble du bassin amazonien, non seulement sur la faune et la flore mais également sur la santé de populations humaines aujourd'hui classées par la Cour constitutionnelle colombienne comme étant en danger d'extinction.
Avec notre partenaire Sauvons la Forêt, nous avons lancé une pétition demandant au gouvernement colombien d'agir pour protéger ces communautés, qui a recueilli plus de 140 000 signatures.
Quelques mois plus tard, nous avons fait financer le déplacement d'une délégation autochtone locale jusqu'à la capitale, Bogotá, afin qu'elle puisse témoigner directement des tragédies qui se déroulent loin de tous les regards, dans une région totalement oubliée du gouvernement. Nous avons été soutenus et accompagnés chaque jour dans ces démarches par l'ONIC (organisation nationale autochtone de Colombie).
Cette initiative conjointe a permis la création d'une commission interministérielle de travail sur le thème du mercure, incluant des représentants des Ministères de l'Environnement et du développement durable, de la Santé et de l'Intérieur.
Aujourd'hui, nous accompagnons également les représentant·es du resguardo (territoire autochtone) Puerto Sábalo-Los Monos dans l'obtention d'un nouveau statut juridique permettant de renforcer leur autonomie et de faire de l'entité territoriale autochtone une interlocutrice indépendante au niveau des instances gouvernementales, de manière à ce que les habitant·es n'aient plus besoin d'avoir recours à des ONG ou associations pour les accompagner dans leurs démarches et leurs revendications.
CONTEXTE
Le Caquetá, en Amazonie colombienne, est aujourd’hui l’un des fleuves présentant l’un des taux de contamination au mercure les plus élevés au monde.
Certains peuples vivant sur ses rives, tels que les Murui, avaient déjà été classés « en voie d’extinction physique et culturelle » par la Cour constitutionnelle colombienne et l’ONIC (organisation nationale des peuples autochtones de Colombie) en 2009 et 2010. Leur existence est d’autant plus menacée que les activités illégales progressent sur leurs terres, réduisant peu à peu à néant toute forme de vie dans cette partie de l’Amazonie.
Court-métrage tourné en collaboration avec
des communautés murui du Caquetá
(trailer)
Les communautés amazoniennes vivant au bord du Caquetá subissent depuis maintenant plusieurs décennies les conséquences de l’extraction d’or illégale, qui déverse chaque jour d’importantes quantités de mercure dans le fleuve. Ce métal lourd est utilisé par les orpailleurs illégaux lors du processus dit de lessivage, afin de séparer les paillettes d’or des autres minéraux.
Déversée dans le fleuve et dans les sols en grande quantité, cette substance toxique pénètre dans les organismes des poissons, végétaux et petits mammifères qui, à leur tour, sont ingérés soit directement par les humains, soit par d’autres poissons et animaux dont ceux-ci se nourrissent.
Très difficile à éliminer par l’organisme, elle attaque le système nerveux central, provoquant de graves troubles neurologiques. À terme, elle entraîne des désordres psychomoteurs, des dysfonctionnements cognitifs, des maladies du système digestif et autres pathologies affectant divers organes, muscles et tissus graisseux. Chez les femmes enceintes, le mercure met en péril le développement du fœtus.
Par conséquent, les populations de cette partie de l’Amazonie voient naître une proportion anormalement élevée d’enfants présentant des malformations (au niveau des membres, des yeux, de la langue,...), le syndrome de Down et autres troubles psychomoteurs lourds et incurables.
Les personnes âgées, garantes de la transmission des savoirs ancestraux et de la sauvegarde des cultures amérindiennes, sont également frappées par des maladies jusqu’alors inconnues, contre lesquelles la médecine traditionnelle n’est d’aucun recours. Présentant auparavant une longévité exceptionnelle, les anciens se meurent aujourd’hui prématurément, parfois dans de grandes souffrances.
Au sentiment d’urgence qui anime les habitants des resguardos situés sur les rives contaminées, concernant l’avenir des futures générations et, de manière générale, la survie des peuples amazoniens, s’ajoute l’angoisse d’un quotidien où les populations sont prises en étau entre plusieurs forces en présence.
D’un côté, les branches dissidentes des FARC, qui ont refusé de déposer les armes au moment de l’accord de paix signé en novembre 2016 et contrôlent plusieurs régions classées « zone rouge », espaces de non-droit abandonnés de l’État. Les groupes armés prélèvent leur tribut sur la quantité d’or extraite chaque jour par les orpailleurs illégaux depuis des barges artisanales. Le mercure est donc un sujet prohibé, la guérilla ayant tout intérêt à ce que se maintienne cette activité très lucrative.
De l’autre côté, les narcotrafiquants, en lien étroit avec la guérilla, mais également avec de nombreux hommes politiques et personnages influents de la région, à tous les niveaux et dans toutes les sphères, opèrent librement dans cette zone, et n’ont de compte à rendre qu’aux membres des dissidences des FARC. Ils évoluent à leur guise dans une grande partie du département du Caquetá et imposent leur présence dans les resguardos, qui leur servent régulièrement de camps de base pour organiser leurs activités.
Le règne végétal, lui aussi, voit son espace vital modifié. Dans cette partie de l'Amazonie, la pollution des sols, des rivières et des nappes phréatiques entraîne un phénomène de désertification, caractérisé par l’apparition de sols sableux. Appauvris par les activités d’extraction, ces sols ne permettent plus à la végétation de renaître.
Une menace pour la biodiversité dans son intégralité susceptible, à terme, de perturber gravement l’équilibre déjà fragilisé de l’un des poumons de la planète.
BÉNÉFICIAIRES
La rencontre avec plusieurs communautés murui du Caquetá nous a permis de dresser un état des lieux de la situation et de constater le nombre anormalement élevé d’individus souffrant de pathologies liées à une contamination au mercure, notamment parmi les populations infantiles et âgées.
Vivant à trois jours de bateau du premier point de « civilisation », et donc du premier centre de santé primaire, les Murui des communautés les plus éloignées sont également privés de toute attention de la part du gouvernement colombien. Ce dernier s’est contenté de classer leurs territoires en « zone rouge » sans pour autant déployer les efforts requis pour éliminer les nombreuses menaces auxquelles sont confrontées les communautés autochtones.
Par ailleurs, il est d’autant plus difficile d’attirer l’attention des autorités que les forces en présence menacent de mort tous ceux qui oseraient élever la voix pour dénoncer la situation dans laquelle les Murui sont plongés. C’est ainsi que l’ancien chef d'une communauté riveraine du Caquetá a dû s’exiler, sous peine de se voir exécuter avec l’ensemble de sa famille.
En dénonçant ouvertement, sur tous les canaux possibles, la contamination au mercure du fleuve Caquetá et la complexité de réseaux illégaux étroitement interconnectés, Igapo Project souhaite se faire le porte-parole de ceux dont la voix ne parvient jamais à se faire entendre, ou est forcée au silence.
OBJECTIFS
Ce projet a pour ambition de dénoncer les souffrances subies par les communautés du Caquetá, en mettant en lumière deux problématiques centrales :
À l'aide de nos partenaires locaux et internationaux, nous souhaitons maintenir la pression sur le gouvernement colombien afin que les tragédies qui se jouent loin des regards de la capitale soit enfin prise en compte, et que des mesures soient prises en conséquence.
Nous continuerons à collaborer avec la commission interministérielle de travail sur le mercure, que nous avons contribué à créer et à laquelle nous avons fourni une ample documentation compilant les travaux de recherche réalisés ces dernières années, en Colombie et ailleurs, sur les thèmes de la contamination au mercure des fleuves colombiens et sur les techniques de biorémédiation disponibles à l'heure actuelle.
Par ailleurs, nous souhaitons maintenir notre collaboration avec les communautés murui de la région en les accompagnant dans l’élaboration d’un projet visant à renforcer leur autonomie, à savoir en constituant une ETI (Entidad Territorial Indígena, entité territoriale autochtone).
SYNTHÈSE DES ACTIONS RÉALISÉES ET À VENIR